FAILLITE ET SOMMES DÉTENUES EN FIDÉICOMMIS À TITRE DE SÛRETÉ POUR LES FRAIS : LA COUR D’APPEL TRANCHE EN FAVEUR DE LA SAISINE DU SYNDIC DE FAILLITE

Gascon Litige Litigation

À qui appartiennent les sommes détenues dans le compte en fidéicommis de l’avocat d’un failli, à titre de sûreté pour les frais au sens de l’article 492 du Code de procédure civile?

La Cour d’appel, dans un jugement rendu le 31 août 2018 dans l’affaire PricewaterhouseCoopers inc. c. Poteau [1], a tranché en faveur du syndic de faillite.

Dans cette affaire, la demanderesse, qui n’est pas domiciliée au Québec, intente le 16 février 2015 des procédures judiciaires contre les défendeurs. Le 26 février 2015, les défendeurs déposent une demande de cautionnement pour les frais et, le 7 mai 2015, un jugement ordonne à la demanderesse de fournir un cautionnement de 12 000 $ et de déposer cette somme dans le compte en fidéicommis de son avocat.

Or, le 7 septembre 2016, en cours d’instance, la demanderesse fait faillite et un avis de surseoir est déposé au dossier de la cour le 14 octobre 2016. Le syndic à la faillite et les défendeurs ne s’entendent pas sur le sort de la somme déposée dans le compte en fidéicommis de l’avocat, chacun se disant en droit de la retirer en sa faveur. La Cour supérieure décide finalement que les défendeurs avaient droit à l’entièreté de la somme détenue en fidéicommis.

Le syndic porte cette décision en appel.

La Cour d’appel du Québec infirme la décision de première instance et rappelle d’abord le principe selon lesquels frais de justice, visés par le cautionnement pour frais, sont dus à la partie qui a gain de cause à l’issue des procédures judiciaires. En l’espèce, aucun jugement n’a été rendu sur le mérite de cette affaire ni aucun jugement interlocutoire octroyant des frais, de sorte que rien ne justifie que la défenderesse puisse encaisser la somme conservée dans le compte en fidéicommis de l’avocat. Au contraire, selon la Cour d’appel, le droit de retirer la somme appartient au syndic et ce, au bénéfice de la masse des créanciers de la demanderesse faillie.

Pour motiver cette décision, la Cour d’appel se fonde sur la règle en matière de faillite voulant que tous les biens qui appartiennent au failli au moment de la faillite sont dévolus au syndic [2]. Ainsi, la Cour d’appel se questionne à savoir si la somme de 12 000 $ est demeurée dans le patrimoine de la demanderesse jusqu’au moment de sa faillite ou, si en la déposant entre les mains d’un tiers, elle s’en est départie définitivement. Dans les circonstances, elle conclut que la demanderesse ne s’est jamais départie définitivement des sommes déposées à titre de cautionnement pour frais. Elle n’a fait qu’obtempérer à un jugement lui ordonnant de fournir une sûreté afin de garantir le paiement des frais de justice, et seulement pour le cas où elle perdrait sa cause.

La Cour d’appel souligne qu’il n’y a pas de règle absolue en cette matière et que lorsque des sommes sont déposées en fidéicommis pour une fin précise entre les mains d’un tiers, les circonstances de chaque cas doivent être examinées afin de déterminer si le déposant s’est départi des sommes de façon définitive ou si ces dernières doivent être remises au syndic de faillite. C’est la nature du paiement qui le déterminera.

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[1] 2018 QCCA 1415.

[2] Article 71 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité(L.R.C. (1985), ch. B-3).

Par Mathieu Tremblay