LES BONNES PRATIQUES EN MATIÈRE DE BAIL COMMERCIAL

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Le présent article traite de certains aspects pratiques d’un domaine juridique vaste et riche en jurisprudence, le bail commercial.

Nous verrons quelques bonnes pratiques à adopter sur les sujets suivants :

  • l’offre de location,
  • le mesurage et le loyer additionnel,
  • les situations d’insolvabilité et faillite d’un locataire, et
  • les outils permettant de garantir l’exécution des obligations d’un locataire.

L’offre de location

Elle peut prendre la forme d’un document très sommaire (une ou deux pages) ou être plus élaborée sur plusieurs pages.

Elle prévoit habituellement que le locataire s’engage à signer le « bail au long » du bailleur. Si le bail au long n’est jamais signé et que l’offre de location comporte tous les éléments essentiels d’un bail (espace déterminé, loyer et durée) elle peut valoir bail. À noter cependant que les tribunaux ont déjà décidé qu’un locataire était justifié de refuser de signer un projet de bail au long qui ajoutait des obligations, alors (i) que ce projet n’était pas joint à l’offre de location et (ii) que l’offre de location ne mentionnait pas que des clauses additionnelles seraient incorporées dans le bail au long.

Le mesurage et le loyer additionnel

L’une des obligations principales du bailleur est celle de bonne délivrance et contenance des lieux loués.

En termes de bonnes pratiques, un bailleur pourra remplir son obligation en stipulant dans le bail que le locataire reconnait avoir reçu les lieux loués en bon état, ou encore, pour diverses raisons selon les circonstances, que le locataire les accepte tels quels (« as is where is »).

Il est également important d’obtenir (conjointement ou à l’initiative de l’une ou l’autre des parties) un certificat de mesurage. Celui-ci évitera d’éventuels litiges potentiels en réduction ou augmentation de loyer en cas de superficie différente de celle indiquée au bail.

En ce qui concerne le loyer additionnel, celui-ci représente la part proportionnelle du locataire dans les dépenses d’entretien, assurances et taxes. La « part proportionnelle » du locataire est habituellement liée, dans les baux commerciaux, à l’identification des « superficies louables ». Le bailleur devra porter une attention particulière à la qualification des « superficies louables », puisqu’il sera difficile de changer cette qualification après le début du terme du bail sans opposition du locataire.

Il arrive parfois que le loyer additionnel augmente significativement eu égard aux estimations initiales prévues au bail. À moins d’erreur de calcul ou négligence de la part du bailleur dans l’établissement des estimations, le locataire dans un bail net devra supporter toutes les augmentations 1. En termes de bonne pratique, il est important pour le bailleur de conserver tous les calculs et notes ayant servi à établir l’estimation. À noter qu’en ce qui concerne les frais communs, un locataire pourrait négocier un plafonnement de sa part proportionnelle.

L’insolvabilité et la faillite d’un locataire

Dans un contexte d’avis d’intention de faire une proposition concordataire, le locataire doit payer son loyer. En cas de défaut, le bailleur peut s’opposer à une prolongation de délai du locataire pour déposer une proposition, ou demander d’interruption de ce délai.

Lors d’un avis d’intention de faire une proposition, le locataire peut résilier son bail à tout moment entre le dépôt d’un avis d’intention et le dépôt de la proposition (incluant le jour du dépôt de la proposition). Le bailleur a alors 15 jours pour s’adresser à la Cour pour obtenir une déclaration d’inapplicabilité, mais il s’agit d’un lourd fardeau puisque le tribunal ne pourra émettre une telle déclaration s’il est convaincu que sans la résiliation du bail, le locataire insolvable ne pourrait faire une proposition viable à ses créanciers.

Dans un contexte de faillite, l’hypothèque que le bailleur détient sur les actifs de son locataire devient sans effets. La raison étant que la Loi sur la faillite et insolvabilité (LFI) accorde au bailleur un rang prioritaire de collocation (article 136 (1) (f) LFI).

Les clauses de résiliation du bail en cas de faillite ont été reconnues valides par les tribunaux québécois. En l’absence de résiliation, le syndic peut occuper les lieux sans payer de loyer avant la première assemblée des créanciers. En cas d’occupation après la première assemblée, le syndic pourrait être personnellement tenu responsable du loyer.

Les outils permettant de garantir l’exécution des obligations d’un locataire.

Comme nous l’avons vu, l’efficacité de l’hypothèque consentie sur les actifs d’un locataire est très relative.

En pratique les parties utilisent couramment le cautionnement pour garantir l’exécution des obligations d’un locataire. Il s’agit d’un outil fort utile, dans la mesure où le bailleur s’assure de confirmer la solvabilité de la caution, et que la caution demeure responsable des obligations du locataire pour toute la durée du bail.

Le dépôt en garantie (parfois désigné « dépôt de sécurité » ou « loyer prépayé ») est également souvent utilisé. La bonne rédaction de la clause du dépôt en garantie est essentielle, afin de déterminer les droits sur la somme remise au bailleur. Le dépôt considéré comme un gage ou hypothèque mobilière avec dépossession sera inopposable au syndic en cas de faillite, tandis que le dépôt non remboursable constituant dans les faits du loyer prépayé devient la propriété du bailleur dès le paiement, et est opposable au syndic.

Le meilleur outil pour garantir l’exécution des obligations d’un locataire est sans contredit la lettre de crédit irrévocable. Celle-ci constitue un contrat autonome par rapport au bail et, hormis un cas de fraude, l’institution financière doit remplir ses obligations sur présentations de la lettre de crédit.

Ces quelques observations démontrent que les bonnes pratiques en matière de bail commercial sont influencées autant par les interactions courantes entre bailleurs et locataires, que par les développements jurisprudentiels.

1 Shawi-Pharma inc. c. Crombie Property Holdings Limited, 2017 QCCA 1675