LA COUR D’APPEL RÉITÈRE QUE L’ON NE PEUT EXCLURE SA RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE EN RAISON D’UN MANQUEMENT À UNE OBLIGATION ESSENTIELLE DU CONTRAT

Le 5 septembre dernier, dans la décision 6362222 Canada inc. c. Prelco inc.1, la Cour d’appel du Québec s’est prononcée sur la validité d’une clause de limitation de responsabilité dans un contexte où il y a un manquement à une obligation essentielle du contrat. Le présent article résumera les conclusions de la Cour d’appel à cet égard.

Les faits

En avril 2008, une entente intervient entre 6362222 Canada inc. (ci-après « Créatech ») et Prelco inc. (ci-après « Prelco »), en vertu de laquelle Prelco retient les services de Créatech afin que cette dernière lui fournisse des logiciels et des services professionnels visant l’implantation d’un système de gestion intégré. Suite à l’implantation du système, plusieurs difficultés importantes surviennent, causant un préjudice matériel important à Prelco. Au printemps 2010, Prelco résilie le contrat, engage une nouvelle firme pour terminer le travail et dépose une poursuite contre Créatech visant à réclamer les différents frais associés à l’échec de l’implantation du système de gestion intégré. Afin de se dégager de sa responsabilité, Créatech oppose à Prelco la clause de limitation de responsabilité prévue à l’entente.

La décision

Dans sa décision, la Cour d’appel affirme que le droit civil québécois reconnaît la validité des clauses d’exonération ou de limitation de responsabilité relativement au préjudice matériel causé à autrui. Cependant, de telles clauses ne peuvent être absolues : ces clauses ne peuvent exclure la responsabilité pour le préjudice matériel causé par une faute lourde ou intentionnelle2.

Elle ajoute que le droit québécois reconnaît depuis plusieurs années une deuxième limite, soit que l’on ne peut exclure sa responsabilité pour le préjudice matériel causé par le manquement à une obligation essentielle du contrat. La Cour d’appel est catégorique : le défaut de livrer l’objet principal du contrat a pour conséquence de rendre inopérante la clause de limitation de responsabilité3.

En effet, il serait illogique et même contraire aux principes les plus fondamentaux du droit des contrats de permettre à un cocontractant d’exclure sa responsabilité pour ce pour quoi il s’est principalement obligé!

En conclusion, il s’avère pertinent de mentionner que dans cette affaire, la Cour d’appel du Québec s’est distinguée volontairement du jugement de la Cour suprême du Canada en 20104, où cette dernière avait rejeté la « doctrine of fundamental breach » appliquée dans les provinces de common law.

Par Émilie Therrien

1 2019 QCCA 1457
2 Article 1474 du Code civil du Québec
3 Préc., note 1, par. 40-41
4 Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transport et Voirie), 2010 CSC 4