Effets de la pandémie de la COVID-19 sur l’hypothèque légale de la construction

Il y a près de 2 semaines, le gouvernement du Québec a ordonné la fermeture des chantiers de construction en raison de la pandémie de la COVID-19. Certains estiment que la fermeture des chantiers pourrait avoir un effet négatif sur le volume du travail des ouvriers, puisque certains promoteurs pourraient annuler des projets de construction. Cet article vise à rappeler les modalités entourant l’hypothèque légale de la construction au temps de la pandémie de la COVID-19.

Une hypothèque légale de la construction permet aux personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble de publier une hypothèque permettant de garantir la plus-value donnée à l’immeuble à la suite des travaux qu’ils ont effectués [1]. Cette hypothèque subsiste pendant les 30 premiers jours qui suivent la fin des travaux. Pour la conserver, un avis d’hypothèque légale de la construction doit être publié au registre foncier à l’intérieur de ce délai.

Notion de fin des travaux

La fin des travaux est définie comme étant « le moment où l’immeuble est prêt, avec tout ce que comporte l’exécution intégrale du contrat, à l’usage auquel il est destiné » [2]. Ainsi, il n’y a qu’une seule fin des travaux pour l’ensemble du projet de construction ou de rénovation.

Toutefois, il demeure possible de publier un avis d’hypothèque légale avant la fin des travaux. Par exemple, un sous-traitant en coffrage pourrait publier un avis après l’exécution de ses propres travaux de fondation, alors qu’il reste plusieurs travaux à réaliser sur l’immeuble (plomberie, électricité, charpente, toiture, etc.) avant de constater la fin des travaux.

Suspension ou abandon des travaux

Le 23 mars dernier, le gouvernement du Québec a ordonné la fermeture des chantiers de construction, jugés non-essentiels en raison de la pandémie de la COVID-19. La détermination de la fin des travaux relève d’une grande importance pour la conservation des droits reliés à l’hypothèque légale. 

La différence entre la suspension des travaux et l’abandon des travaux réside dans l’intention du propriétaire. La suspension du chantier engendre le report de la fin des travaux [3] tandis que l’abandon des travaux constitue la fin des travaux. Par contre, la suspension qui est suivie de l’abandon du chantier pourra être considérée comme une fin des travaux. En effet, il s’agira de déterminer à partir de quel moment la reprise des travaux a cessé d’être prévisible [4]. Si la reprise des travaux demeure prévisible, cela suppose que les travaux ont simplement été suspendus [5]. La détermination d’une suspension des travaux ou d’un abandon des travaux est une question de fait qui résulte de l’appréciation de la preuve et de la crédibilité accordée aux témoins [6].

Malgré la publication de l’hypothèque légale de la construction dans le délai de 30 jours, cette dernière s’éteint de plein droit 6 mois après la fin des travaux, à moins que (1) le créancier de l’hypothèque ne publie une action contre le propriétaire de l’immeuble ou que (2) le créancier inscrive un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire.

Les promoteurs pourraient juger pertinents de maintenir une bonne communication avec leur entrepreneur général et possiblement leurs sous-traitants, pour les rassurer que le chantier n’est que suspendu et que les travaux reprendront aussitôt que la situation causée par la COVID-19 le permettra.

Pour les entrepreneurs et sous-traitants qui sont incertains quant à la date de reprise des travaux, ceux-ci peuvent consulter un juriste pour déterminer leurs droits et recours.

Par Catherine Demers


[1] Code civil du Québec, articles 2726, 2727, 2728.

[2] Placements Maléjo Inc. c. Constructions Richard Lavoie et Associés Inc., J. E. 2012-276 (C.S.)

[3] Placements SCP inc. (Séquestre de) et Lemieux Nolet inc., 2015 QCCS 6021.

[4] Groupe Drumco Construction inc. c. Revis Immobilier 2018 QCCS 378

[5] Nova Construction plus (JPR) inc. c. Hypothèque CIBC inc., 2006 QCCA 1017.

[6] Placements SCP inc. (Séquestre de) et Lemieux Nolet inc., 2015 QCCS 6021.