Une décision de la Cour d’appel fédéral incite les compagnies d’assurance titre à offrir une nouvelle couverture

Le 29 avril dernier, dans l’affaire Toronto Dominion c. Reine, la Cour d’appel fédérale a rendu une décision unanime quant à l’interprétation des articles 222 (1) et (3) de la Loi sur la taxe d’accise. La question centrale du litige était la suivante : « un créancier garanti qui reçoit le produit de la vente des biens d’un débiteur fiscal, à un moment où celui doit la TPS à la Couronne, est-il tenu de payer le produit ou une partie de celui-ci égale à la dette fiscale, au receveur général par priorité sur tout droit en garantie? ».

Dans cette affaire, le débiteur fiscal exploitait une entreprise d’aménagement paysager, à titre d’entreprise à propriétaire unique. Avant de devenir client à la Toronto-Dominion, ce dernier a perçu de la TPS en raison de son entreprise, mais ne l’a pas versée au receveur général. En 2010, la Banque a accordé des facilités de crédit au débiteur et à son épouse, lesquelles étaient garanties par une sûreté enregistrée sur l’immeuble du débiteur. Le débiteur a vendu ledit immeuble et a remboursé les créances de la Banque. Par la suite, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a fait valoir son droit à l’encontre de la Banque de percevoir la somme non versée par le débiteur en TPS, et ce, en raison de la fiducie réputée au titre de l’article 222 de la Loi. La Banque a nié devoir payer ladite somme.

La Cour, sous la plume de la Juge Dawson, s’est prononcée sur les motifs de contestation suivants soulevés par la Banque.

Interprétation de l’article 222 (1) et (3) de la Loi

Eu égard à l’interprétation du libellé des paragraphes 222 (1) et (3), la Juge Dawson a déduit que le législateur a voulu accorder la priorité de rang à la fiducie réputée lorsque les biens sont également grevés d’une garantie, que celle-ci ait pris effet avant ou après la perception de la TPS. Cette interprétation de la juge découlait du libellé « malgré tout droit en garantie le concernant » au paragraphe 222 (1). Elle a également affirmé que lors du prêt par la Banque au débiteur et au moment où elle a reçu sa garantie, les biens du débiteur, jusqu’à concurrence de la dette fiscale, étaient déjà réputés être des biens dans lesquels la Couronne avait un droit de bénéficiaire.

Défense de l’acquéreur de bonne foi

La Banque a plaidé que puisqu’elle était une acquéreuse de bonne foi et à titre onéreux des montants reçus par le débiteur et que les dispositions sur les fiducies réputées de la Loi ne s’appliquaient pas à ces derniers, elle ne pouvait être contrainte de verser les sommes exigées. Or, cet argument a été rejeté puisque la Cour suprême du Canada s’est déjà prononcée à l’effet que les banques et les caisses populaires ne pouvaient être assimilées à des tiers acquéreurs. Elles sont considérées des créancières garanties de sorte que les biens sur lesquels elles ont fait valoir leur garantie sont demeurés assujettis à la fiducie réputée, et l’étaient toujours lors de leur vente[1].

Prêt accordé au débiteur personnellement et non à son entreprise

La Banque a fait valoir que la Cour fédérale aurait dû établir une distinction entre un débiteur fiscal exploitant une entreprise à propriétaire unique et un débiteur fiscal exécutant des opérations à titre personnel. La juge a écarté cet argument, en mentionnant que ce dernier était mal fondé. La preuve n’a pas précisé ce que la Banque savait de la source de revenus de son débiteur ni ce qu’elle avait fait, le cas échéant, pour savoir si son débiteur respectait les obligations en vertu de la Loi.

Afin de pallier l’incertitude, plusieurs assureurs de titres offrent désormais un avenant afin de protéger les prêteurs contre la super priorité des fiducies réputées, et ce, pour un délai déterminé après la radiation de la sûreté.

Finalement, notons qu’une requête pour autorisation de pourvoi (autorisation d’appel) a été déposée le 6 juillet dernier à la Cour suprême du Canada.

Par Catherine Demers


[1] First Vancouver Finance c. M.R.N., 2002 CSC 49, paragraphe 39.