Jugement important relativement à la protection des acheteurs de maisons neuves

La Cour supérieure du Québec a prononcé une décision importante en matière de protection pour les acheteurs de maisons neuves dans l’affaire de la faillite de Bel Habitat inc.

Dans cette instance, les demandeurs sont respectivement intervenus à des contrats préliminaires de vente avec Bel Habitat inc. et Bel Habitat 2 inc. (collectivement « Bel Habitat ») en vertu desquels Bel Habitat s’est engagée à leur construire et vendre des maisons. En vertu de ces contrats préliminaires, les demandeurs ont versé des sommes considérables à titre d’acomptes sur le prix de vente.

Or, avant que les travaux de construction ne soient achevés, et même entamés en ce qui concerne certains demandeurs, Bel Habitat a fait cession de ses biens, mettant ainsi en péril les acomptes versés par les demandeurs.

Les demandeurs se sont donc adressés à la Garantie de construction résidentielle (« GCR »), soit l’administrateur du plan de garantie auquel Bel Habitat avait souscrit avant sa faillite suivant les exigences de la Loi sur le bâtiment, afin que GCR effectue les travaux de parachèvement des bâtiments conformément l’article 9 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement »). Cette disposition prévoit que dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment, le plan de garantie doit couvrir : a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire (en l’occurrence chacun des demandeurs) ou b) soit le parachèvement des travaux si le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété.

En raison de leur mésentente relativement à l’interprétation de cette disposition du Règlement, les parties ont demandé au tribunal de rendre un jugement déclaratoire relativement aux trois questions suivantes :

  1. À quel moment le bénéficiaire du plan de garantie doit-il être détenteur des titres de propriété du bâtiment pour être en mesure de demander le parachèvement des travaux conformément au Règlement?
  2. Les travaux doivent-ils avoir atteint un certain avancement pour que le bénéficiaire réclame leur parachèvement?
  3. La GCR a-t-elle une discrétion quant à la décision de parachever ou non les travaux?

Concernant la première question, et après une étude du régime juridique applicable au contrat de vente, la Cour statue que le bénéficiaire sera considéré détenteur des titres de propriété aux termes de l’article 9 du Règlement s’il les détient avant la faillite ou s’il les acquiert du syndic après la date de faillite de Bel Habitat, mais pas s’il acquiert les titres d’un tiers après la faillite.

En ce qui a trait à la deuxième question, la Cour déclare que pour bénéficier du parachèvement, le bâtiment doit avoir fait l’objet de travaux, autre que des travaux de préparation de site d’arpentage, de conception ou de préparations de plans. Autrement, par exemple, dans le cas d’un terrain vague, le bénéficiaire ne pourra avoir droit qu’au remboursement des acomptes versés.

Au sujet de la troisième question, il ne fait pas de doute pour le tribunal que si, au final, le Règlement donne ouverture au parachèvement et qu’il n’y a pas d’enrichissement injustifié, l’administrateur du plan de garantie n’aura pas de discrétion pour refuser le parachèvement des travaux ou imposer le remboursement des acomptes.

En conclusion, ce jugement offre aux consommateurs un éclairage sur le régime de protection applicable à des acheteurs de maisons neuves en cas de faillite de l’entrepreneur, et plus particulièrement aux situations pouvant donner droit à un parachèvement des travaux aux termes d’un plan de garantie. Toutefois, ce jugement rappelle également la prudence dont devraient faire preuve ces mêmes acheteurs lorsque vient le temps de verser des acomptes importants alors qu’aucun travail n’ait été effectué par l’entrepreneur.

Par Mathieu Tremblay