L’ensemble immobilier et ses impacts sur les transactions immobilières

La Loi sur le Tribunal administratif du logement (la « Loi ») prévoit que la vente d’un immeuble faisant partie d’un ensemble immobilier est interdite, à moins que l’autorisation préalable du Tribunal administratif du logement (le « Tribunal ») soit accordée[1].

Tout propriétaire d’immeubles résidentiels locatifs devrait donc se poser la question à savoir si ses immeubles font partie d’un ensemble immobilier.

La Loi prévoit que pour être en présence d’un ensemble immobilier, les conditions cumulatives suivantes doivent être rencontrées :

  • plusieurs immeubles sont situés à proximité les uns des autres;
  • les immeubles comprennent ensemble plus de douze logements;
  • ces immeubles sont administrés de façon commune par une même personne ou par des personnes liées; et
  • certains de ces immeubles ont en commun un accessoire, une dépendance ou, à l’exclusion d’un mur mitoyen, une partie de la charpente.

La condition suscitant généralement une plus grande analyse du Tribunal est celle des accessoires et dépendances qu’ont en commun les immeubles en cause. Sans constituer une liste exhaustive, et sous réserve de l’étude de chaque cas, des stationnements, une piscine, un gymnase, une remise, une buanderie et un système de chauffage unique à plusieurs bâtisses peuvent constituer des dépendances ou accessoires communs à des immeubles permettant de conclure à un ensemble immobilier (dans la mesure où les autres conditions précitées sont également rencontrées).

Comme l’objectif de ces dispositions spécifiques de la Loi est d’éviter une perte de services ou d’avantages communs aux locataires conférés par leur bail et en raison de la disposition particulière de l’immeuble dans lequel ils habitent, l’aliénation d’un immeuble faisant partie d’un ensemble immobilier devra faire l’objet d’une demande d’autorisation devant le Tribunal, laquelle pourra uniquement être présentée par le propriétaire de l’immeuble en cause ou par le promettant-acheteur.

À noter que la Loi prévoit certaines situations où la vente d’un immeuble faisant partie d’un ensemble immobilier est exemptée de l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable du Tribunal, notamment lorsque tous les immeubles composant l’ensemble immobilier sont vendus à une seule personne aux termes d’un seul contrat. Les droits des locataires ne sont pas désavantagés dans un tel cas de figure.

En autorisant la vente de l’immeuble, le Tribunal pourra y assortir certaines conditions, allant de l’octroi d’un droit de préemption en faveur du locataire pour toute vente subséquente ou de l’interdiction de la reprise du logement pour une période de cinq ans jusqu’à l’établissement d’une servitude de passage[2], l’objectif étant encore une fois de protéger les acquis des locataires et d’éviter que des disputes ou des litiges surviennent en raison de la transaction convoitée.

La vente d’un immeuble compris dans un ensemble immobilier conclue sans l’autorisation préalable du Tribunal pourra être frappée de nullité. Le courant jurisprudentiel majoritaire est à l’effet que cette nullité est dite relative, en ce qu’elle protège un ordre public de protection, et que seul un locataire à l’intérêt requis pour présenter un tel recours devant la justice[3].

La notion d’ensemble immobilier revêt ainsi une importance capitale, en ce qu’elle encadre, voire limite, la liberté contractuelle des parties prenantes à une transaction visant un immeuble résidentiel locatif afin que les droits des locataires pouvant être affectés par une telle transaction soient préservés. Une analyse juridique approfondie de chaque cas est donc de mise.

Par Mathieu Tremblay


[1] Articles 45 à 50 de la Loi.

[2] Labelle 1996.

[3] Rosenthal c. 143954 Canada Inc. (1997 – C.A.)