Résumé des impacts suivant l’adoption du projet de loi 31 : Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation

montreal skyline

L’Assemblée nationale adoptait, le 21 février dernier, le projet de loi 31 : Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation (la « Loi »). Selon le législateur, ces modifications, ayant pour objectif d’accroître l’offre de logements au Québec, offrent un encadrement plus rigoureux des hausses de loyers dans les nouvelles constructions, introduisent des initiatives visant à accélérer la réalisation de projets d’habitation, et renforcent les droits des locataires en matière d’éviction et de cession de bail.

Ces mesures comprennent notamment une indemnisation plus généreuse pour les locataires évincés, la possibilité de réclamer des dommages-intérêts punitifs en cas de fausse déclaration du propriétaire, et un assouplissement des règles de cession de bail. De plus, ces changements prévoient une adaptation des mesures d’intervention du Tribunal administratif du logement (le « TAL »), visant à rendre le processus plus efficace et équitable.

Il est crucial de prendre en compte ces évolutions pour comprendre leurs implications sur vos droits et obligations en tant que locataire ou propriétaire.

 

Un encadrement plus strict des hausses de loyers dans les nouvelles constructions

Les modifications adoptées par la Loi s’adressent tout d’abord aux formalités entourant la hausse des loyers dans les immeubles nouvellement bâtis ou dont l’utilisation à des fins locatives résulte d’un changement d’affectation récent.

Effectivement, le locateur d’une nouvelle construction, qui veut augmenter le loyer dans les cinq années qui suivent la date à laquelle le logement est prêt à être loué, devra obligatoirement inclure à la clause F du bail standardisé de son locataire, le loyer maximal qu’il pourrait exiger pour cette période. Ainsi, le locateur devra indiquer au bail le loyer maximal qu’il pourra exiger au cours des cinq premières années, sans toutefois avoir l’obligation de mentionner l’augmentation précise que le locataire subira chaque année. Par conséquent, les propriétaires et les locataires devront convenir du loyer maximal applicable à leur nouveau bail, étant donné que le loyer précédemment convenu ne peut pas être invoqué par le locataire contre le propriétaire dans cette situation de nouveau bail.

Lors de l’envoi de l’avis de renouvellement, le locateur devra alors préciser l’augmentation retenue, dans le respect du loyer maximal prévu, pour l’année à venir. Il sera donc très important de poser une attention particulière à cette nouvelle mention obligatoire lorsqu’un locateur rédigera les baux ou que des avis d’augmentation de loyer sont envoyés. 

 

quartier résidentiel

 

Une initiative municipale accrue visant à accélérer la réalisation de projets d’habitation

La Loi permet désormais aux municipalités d’autoriser des projets de logements sociaux, abordables ou étudiants qui dérogent aux règles d’urbanisme pendant une période déterminée, renouvelable sous certaines conditions. Cette mesure vise à accélérer l’obtention des permis de construction, simplifier les exigences en matière de planification, et fournir un soutien financier pour accélérer la construction. Elle donne aux municipalités le pouvoir d’autoriser des projets de logements qui ne respectent pas les règlements d’urbanisme en vigueur, notamment en ce qui concerne la taille, la densité ou d’autres critères de conception. Elle vise à permettre la construction de logements sociaux, abordables ou destinés aux étudiants dans des zones où les règles d’urbanisme pourraient autrement restreindre ou interdire de tels projets. 

Le gouvernement prévoit que les dérogations seront accordées pour une période de trois (3) ans, renouvelable deux (2) ans par arrêté ministériel, afin de donner aux développeurs le temps nécessaire pour réaliser les projets. De plus, les municipalités comptant 10 000 habitants ou plus, avec un taux de logements vacants inférieur à 3 %, sont habilitées à autoriser d’autres projets résidentiels de trois logements ou plus, également en dérogation aux règles d’urbanisme, pour une période initiale de trois ans, renouvelable deux ans par décision ministérielle. 

Par ailleurs, les logements accessoires, tels que des appartements dans des garages ou des unités supplémentaires dans des maisons existantes, bénéficient aussi d’une nouvelle exception. Pendant une période de cinq ans, ces logements accessoires seront automatiquement autorisés, ce qui signifie que les propriétaires n’auront pas besoin d’obtenir des autorisations spéciales ou de naviguer à travers des processus d’approbation complexes. Cette adaptation législative vise à encourager la création de logements supplémentaires sans nécessiter de nouvelles constructions majeures, contribuant ainsi à augmenter l’offre de logements disponibles.

L’adoption très récente de la Loi fait cependant en sorte que les modalités de ces nouvelles dérogations et leur mise en place au sein des autorités municipales n’ont pas été précisées pour l’instant. Nous mettrons cet article à jour au fur et à mesure des développements disponibles.

 

Des mesures visant à encadrer et à pénaliser l’éviction

L’objectif principal de ces modifications législatives est d’améliorer les conditions des locataires, ce qui implique plusieurs mesures. Effectivement, le locateur désirant évincer ou reprendre un logement devra payer au locataire une indemnité couvrant les frais de déménagement raisonnables ainsi qu’une somme allant d’un minimum de trois mois de loyer et pouvant aller jusqu’à 24 mois. Cette modification vise l’article 1685 alinéa 1 du Code civil du Québec et vient augmenter considérablement les indemnités devant être versées par le locateur. En effet, le locateur pourrait être contraint de verser une indemnité additionnelle d’un mois de loyer par année d’habitation, alors que la législation précédente ne stipulait qu’une indemnité de trois mois de loyer ce qui représente bien sûr une somme bien plus considérable.

De plus, ces nouvelles mesures législatives autorisent dorénavant le locataire à recouvrer des dommages-intérêts pour toute reprise ou éviction sauf démonstration par le locateur de sa bonne foi justifiant l’action. Il s’agit là d’une dérogation importante à la présomption de bonne foi normalement applicable en droit civil. Effectivement, cette modification vise l’article 1968 du Code civil du Québec et vient ajouter un fardeau supplémentaire au locateur qui devra désormais prouver sa bonne foi lorsqu’il reprend ou évince un locataire dérogeant ainsi au principe de la présomption de bonne foi bien connu en droit civiliste.

 

Une attention particulière portée sur l’avis du plus bas loyer payé 

Par les changements adoptés à article 1988 du Code civil du Québec, le législateur pousse plus loin les droits des locataires en leur permettant maintenant d’exiger des dommages-intérêts punitifs lorsque le propriétaire omet intentionnellement de fournir au nouveau locataire l’avis sur le loyer le plus bas précédemment payé ou le dernier loyer en cas de vacance du logement pendant plus de 12 mois (clause G du bail), ou s’il fait une fausse déclaration à cet égard. Nous présumons qu’il reviendra au locataire le fardeau de démontrer l’omission « intentionnelle » de cette pratique par le propriétaire. Nous demeurerons toutefois attentifs aux développements ou interprétations sur ce sujet. 

 

De nouvelles mesures visant à rendre plus flexible le droit de cession 

De nouvelles mesures visant aussi à rendre plus flexible la cession de bail et à contrer la sous-location et la cession à profit ont été incluses dans la Loi. Ainsi, le locataire se voit toujours dans le droit de demander une cession de bail à son locateur, mais ce dernier bénéficie maintenant d’un droit élargi lui permettant de refuser d’y consentir pour un motif autre qu’un motif sérieux. Effectivement, en cas de refus de la part du propriétaire de consentir à la cession de bail, le locataire serait libéré de ses obligations contractuelles et le bail pourra être résilié au choix du locateur. Bien que le locateur bénéficiait antérieurement d’un droit de refus à la cession du bail en cas de motif sérieux, cette notion se voit tout de même élargie en n’obligeant plus celui-ci à motiver de la même manière son refus.

Les exigences relatives à l’avis de cession fourni par le locataire se sont aussi vues précisées. En effet, le locataire devra désormais indiquer la date de cession prévue. Ceci permettra, lors d’un refus par le locateur, de résilier le bail à la date de cession prévue par l’avis du locataire.

 

Un assouplissement des mesures d’intervention du Tribunal administratif du logement

Les modifications adoptées avec la Loi visent finalement à assouplir les règles régissant la représentation devant le Tribunal administratif du logement (TAL). Elles incluent spécifiquement la possibilité pour un membre du TAL de soulever de manière automatique la prescription d’une demande qui lui est soumise. De plus, le TAL serait autorisé à rendre des ordonnances d’exécution en nature même si les coûts excèdent son plafond de compétence monétaire, soit une somme ne pouvant excéder 100 000 $.

Cette limite de compétence monétaire ne trouvera cependant pas application dans certains cas prévus expressément par la Loi. Effectivement, le TAL pourra maintenant entendre des causes d’une valeur de 100 000 $ ou plus pour les situations suivantes : recours en cas d’inexécution causant des dommages, recours pour défaut du locateur d’exécuter les travaux requis par le bail, recours visant à déterminer la salubrité du logement et recours visant à forcer le locateur à rendre le logement propre à l’habitation.

 

Conclusion

En somme, l’adoption de la Loi engendre des révisions significatives des habitudes, obligations et droits en matière de location pour l’ensemble des parties impliquées. Notre équipe demeure disponible pour en discuter avec vous et pour analyser tout impact sur vos pratiques internes. 

 

Par Selma Adam et Audrey Robitaille